Le prochain épisode de « Hello Emmanuelle » se profile à l’horizon.
Où en est la sexualité des femmes depuis les années 1970 ? A l’époque, il y avait seulement « La Mère et La Putain ». Donc, les mères et les femmes qui ne sont pas mères vont entreprendre un voyage dans la zone encore inconnue du continent noir.
Bon voyage au cœur d’une pérégrination d’une femme à la recherche d’elle-même qui découvre quelle a des désirs cachés et inavoués.
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Hello Emmanuelle (partie 2)
─ « C’est quoi passer à l’acte ?
─ C’est vivre » me répondit Noémie.
Je lui demandais ce que je pouvais faire pour échapper à ma « non vie et vivre. » Elle savait que j’allais voir le film Emmanuelle et me répondit :
« Quand tu auras vu le film, appelles moi. On prendra un café et je te guiderais, pas à pas, pour que tu sortes enfin de ta misère sexuelle. Soit tu en es capable, soit tu continueras à vivre en refoulant tes instincts et tes pulsions.»
Elle coupa mes cheveux mi- longs pour qu’ils puissent se remettre en place facilement. Puis, elle me coiffa divinement en me faisant un look mi sophistiqué, mi sauvage. Cela me changeait et me donnait un genre plus émancipé, comme Jane Fonda dans un de ses films. Je me maquillais avec soin. Lucas rentra. Il eut un regard surpris. Je devais dégager quelque chose d’inhabituel. Ma coupe ravageuse mettait en valeur mon visage et mes lèvres recouvertes d’un beau rouge vif. J’avais dessiné les contours de ma bouche avec un crayon à lèvres. Je le faisais rarement. Noémie m’avait aidée. Lucas tenta même de m’embrasser ce qui n’était pas dans ses habitudes.
« Non pas maintenant, je suis maquillée » lui dis-je en le repoussant en douceur. Je n’avais pas envie qu’il me touche. Il ne se préoccupait jamais de savoir si je souhaitais qu’on fasse l’amour. Son désir était roi, il semblait normal que je me soumette. Ce soir, je ne m’étais pas gênée pour ne pas céder à ses avances. J’étais moi, et il y avait cet autre─ ma jumelle ─ qui ostensiblement m’attirait vers un ailleurs. Le sexe, ma sexualité faisaient partie du parcours. Cela me faisait un peu peur mais j’aimais les risques. Mon mari vivait avec « deux femmes » sans le savoir. Il me trompait sans état d’âme et voyageait beaucoup. Il préservait ainsi son couple et baisait ailleurs en toute quiétude. Il avait une double vie. Ce n’était pas un mystère. Je m’apprêtais à faire de même. Je serais insoupçonnable. Lucas ne connaîtrait jamais mon « autre moi », la sensuelle, légèrement perverse et sulfureuse. Je la pressentais. Noémie m’aiderait à soulever le voile de l’interdit. Je souhaitais m’ouvrir au monde de la chair et sortir du virtuel. Je désirais ardemment aborder et découvrir une autre sexualité que celle que je connaissais.
L’ARRIVEE DEVANT LE CINÉMA POUR LA GRANDE PREMIÈRE D’EMMANUELLE
Il y avait un embouteillage monstre sur les Champs Elysées. Mes parents étaient venus nous chercher en taxi pour cette occasion. Le chauffeur savait comment atteindre le cinéma en évitant le flot massif des voitures. Il faisait très beau. L’air était doux bien qu’il fût déjà 20 h 30. La séance devait commencer à 21 h en présence de la nouvelle actrice tant attendue, des autres acteurs, du metteur en scène et de son producteur. C’était la soirée où il faisait bon d’être vu. Je m’en fichais complètement. Je n’avais pas d’état d’âme. Je me percevais empesée et mal à l’aise. Je n’aimais pas me sentir apprêtée. Ma mèche blonde me tombait sur les yeux. Des flashs de photographes crépitaient de tous les côtés. Les hommes me regardaient ce qui flattait mon mari. Ma mère portait une robe de grand couturier. Elle s’était fait prêter des bijoux pour cette soirée par la joaillerie Chaumet dont elle était cliente. Sa robe longue était colorée à prédominance rose fuchsia. Elle semblait déjà éméchée. Sa démarche en témoignait. Mon père s’arrêtait à chaque seconde pour dire bonjour. Nous fûmes enfin assis. Tout ce beau monde caquetait. Les femmes se dévisageaient, examinant mutuellement leurs apparats. Les hommes bavardaient. Un silence s’installa quand le présentateur fit venir l’actrice principale sur scène, puis à leur tour, les autres acteurs et actrices. Là, j’ai craqué. J’ai senti de l’émotion. Cette femme était une bombe, la salle était en délire et applaudissait. Ce fut un moment fort pour moi. J’avais des frissons et des ondes électriques parcouraient mon corps. J’avais rêvé de devenir actrice alors que j’étais encore à l’école. C’était une façon de devenir quelqu’un d’autre. Cela m’avait toujours plu. Dans la vraie vie, j’avais l’impression d’avoir mes deux pieds enlisés dans un marécage boueux de sables mouvants dont je ne parvenais pas à m’extirper. La salle était pleine à craquer et le public trié sur le volet applaudissait par vagues. Je devais avouer que je ne m’attendais pas à vivre une telle soirée. Elle ne faisait que commencer. Mon père et ma mère étaient assis côte à côte et je me retrouvais encadrée par mon mari et mon père. Un velours rouge cramoisi décorait les murs de la salle de cinéma, assorti au lourd rideau de la scène. Il était tiré pour que les personnes puissent monter sur scène lors de la présentation de l’équipe du film. Les sièges étaient recouverts d’un tissu rouge plus clair. Les robes des femmes créaient une symphonie de couleurs vives. Sylvia Kristel portait une robe blanche fluide qui paraissait être de la soie. Elle était grande, mince et ses courbes harmonieuses et sexy étaient livrées aux regards. Sa robe décolletée arborait de fines bretelles et la moulait divinement. Son visage était ravissant. Ses cheveux auburn étaient courts et coiffés de telle sorte qu’ils paraissaient mouillés. Cette actrice était un ravissement pour moi qui recherchait mon identité féminine et sexuelle. J’étais envoûtée, subjuguée. Mon mari et mon père ne remarquèrent même pas l’effet qu’elle me faisait. Ils n’avaient pas l’air aussi ému que moi et ma mère non plus. L’imposant rideau cramoisi finit par se refermer. Tout le monde reprenait sa place. Je n’avais rien écouté de ce qui s’était dit sur scène. J’étais trop occupée à dévorer Sylvia Kristel des yeux. Je repensais à Noémie, aux actes qu’il me faudrait accomplir pour sortir de mon marécage et devenir une femme sexuelle et sensuelle. Le film commença. Ce fut un choc, une révélation. Je m’étais projetée dans le personnage d’Emmanuelle. Quelque chose de magique s’opérait en moi. Je m’identifiais à cette femme. Ce n’était plus un film mais une réalité. Cela pourrait devenir la mienne.
L’EMPREINTE D’EMMANUELLE
Les voyages d’Emmanuelle dans les différentes parties du globe et au milieu des hommes me portaient à réfléchir sur ma sensualité et mes envies. Elle succombait aux désirs masculins et semblait prendre un plaisir qui la menait à la jouissance. Pour moi, c’était difficile à comprendre car j’avais été élevée dans la soumission au père, à l’homme. Ce film m’obligeait à reconsidérer mes repères dans l’amour. Jouir d’être l’objet d’un homme me paraissait étrange, agaçant et pourtant possible. Sylvia Kristel représentait à mes yeux une femme belle, pleine de séduction et sans complexes. Elle savait qu’elle était désirable et elle succombait avec délices aux baisers et aux caresses des hommes. Parfois, devant certaines scènes osées, je me sentais gênée d’être assise à côté de mon père. A la fin du film, les gens étaient debout et applaudissaient. Je trouvais la réaction du public émouvante. Pourtant c’était un film osé et très érotique à la lisière d’un porno. Je n’osais pas applaudir comme j’en avais envie. Je craignais les réactions de Lucas et de mon père. Je me sentais intimement excitée. Heureusement que les sensations et les émotions peuvent rester secrètes. Le public quasiment en délire, me donnait la chair de poule. Mon père et mon mari, nous pressèrent ma mère et moi pour échapper à la ruée et retrouver le chauffeur. Il nous attendait dehors. Nous fûmes parmi les premiers à sortir. Il avait garé la voiture plus loin pour éviter la foule et les badauds qui guettaient la sortie les vedettes du film. La soirée continuait chez Maxim’s, le célèbre restaurant rue Royale. Nous étions conviés à un souper privé. L’éclairage du restaurant était tamisé. Les murs avaient la même couleur que la salle de cinéma, rouge cramoisi. Cela créait une ambiance chaude et sensuelle. On pouvait entendre de la musique. Des gens dansaient sur la piste. Nous étions installés à une table près de l’entrée. Je n’ai pas revu Sylvia Kristel. Nous étions avec des amis de mes parents. L’ambiance était conventionnelle comme j’en avais l’habitude. Ma mère complètement saoule s’était levée et s’était accrochée à la jambe d’un ministre en fonction. J’étais gênée comme à chaque fois qu’elle se comportait mal. Mon père a feint de ne rien voir. Le ministre l’a poliment et fermement dégagée pour libérer sa jambe. Je reçus comme les autres femmes à cette table, un cadeau du bijoutier Dinh Van. C’était une chaînette en or avec une petite pomme, sur laquelle était gravé Emmanuelle. J’ai demandé à Lucas qu’il me l’accroche autour du cou. En dehors du cadeau, cette soirée ne me plaisait guère. Puis, les sorties où ma mère se faisait remarquer à cause de son ébriété me faisaient honte. L’image féminine de cette dernière était désastreuse et douloureuse pour moi.
A priori, l’équipe du film nous avait faussé compagnie à mon grand regret. Mes parents et Lucas avaient aimé le film.
« C’était saisissant de sensualité », approuvèrent les deux hommes.
J’étais surprise que mon père ait apprécié ce spectacle, lui qui bannissait tant en paroles le sexe et les femmes faciles. Ma mère fit entendre un hoquet en guise de réponse. Mon père aimait dire que le sexe était une affaire d’hommes. Je comprenais ce soir que c’était aussi mon affaire. Ce film avait créé une sorte de révolution dans ma tête et Emmanuelle devenait un guide érotique, avec Noémie pour me conduire au-delà du carcan dans lequel j’étouffais. Dans la limousine qui nous ramenait à la maison, seule avec Lucas, je songeais à des scènes du film. J’avais hâte de tester mes aptitudes sexuelles avec l’aide de Noémie. Mon mari rentrait souvent tard le soir ou s’absentait pour affaire. C’est ce qu’il souhaitait me faire croire. Je n’aimais pas me retrouver toute seule aussi souvent mais je pense que cela allait me faciliter les choses et me donner une certaine marge de liberté d’action. Je touchais la chaîne autour de mon cou et je souris. Je n’avais pas perdu ma soirée.