Hello Emmanuelle (Partie 10)

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3DESTINATION  GENÈVE

Je reçus un coup de fil de Noémie en fin de matinée. Je lui avais confié que mon mari partait prochainement en déplacement pour son travail. Elle souhaitait connaître ses dates de départ et de retour car, l’homme de Genève avait hâte de me rencontrer. Je lui demandais pourquoi, tant j’étais niaise dans un lit. Noémie m’expliqua que cela l’enchantait de recevoir une femme mure et en même temps innocente concernant la sexualité. D’habitude, il préférait les très jeunes femmes sans expériences, pour les initier. Cela commençait à me plaire et en même temps, je devenais une Mata Hari en sortant de ma torpeur. Je me sentais un peu inquiète. Ma double vie se mettait en route. J’étais en train d’élargir la perception que j’avais de moi. Le film Emmanuelle avait révélé une part de ma personnalité. J’avais un coté trouble et ambigu. Je savais mentir quand c’était nécessaire. J’entreprenais la vaste opération de reprendre ma vie en mains. Mes parents, mon mari n’hésitaient pas à me raconter des salades. J’en ferais autant, tout en culpabilisant le moins possible. Il s’avérait difficile de sortir de mes habitudes et de ma passivité dus à mon éducation. Il était possible que je parte pour Genève le jour du départ de Lucas pour Bruxelles.  Il partait bizarrement un week-end pour un rendez-vous d’affaire. Je n’exigerais aucune explication pour éviter qu’il ne change d’avis et ne reste sur Paris jusqu’au lundi. C’était peu probable, mais je tenais à ne pas prendre le risque. J’appelais Lucas à son travail. Je prétextais que je voulais lui faire plaisir et savoir ce qu’il souhaiterait au menu du soir. C’était parfait, «sa bobonne » se révélait imparable. Puis, je glissais d’un ton neutre :

─ « Au fait, tu pars vendredi à quelle heure ? »

Il partait jeudi. Il s’embrouilla dans des explications pour se disculper de partir un jour plus tôt. Je restais zen et l’écoutais s’enliser. Pour se justifier autant, il ne devait pas avoir la conscience tranquille. Nous étions mardi. Je rappelais Noémie pour lui donner les dernières informations. Elle me rappela plus tard. J’avais un train à 16 h 30 pour Genève vendredi. J’avais à peu près trois heures trente de voyage. J’arriverai à l’heure du dîner. J’espérais que Lucas ne chercherait pas à me joindre. Il ne le faisait jamais d’ordinaire. La plupart du temps, je ne connaissais pas son point de chute. Il était marié et vivait comme un célibataire. Je n’étais pas réellement jalouse. Physiquement, je n’étais pas attachée à lui. Je ne l’avais jamais été avec aucun homme. Par précaution, j’annoncerais à mes parents et à Lucas que j’étais invitée à Deauville par une ancienne amie de classe avec qui j’étais restée en relation. Je préférais éviter qu’on ne se demande où j’étais, si je ne répondais pas au téléphone. Ainsi, je serais tout à mon week-end end, l’esprit tranquille pour libérer mon corps. Les hommes de ma famille étaient des machos, mon mari aussi. Les femmes étaient cantonnées à un rôle assez étriqué : « femme ou putain », ce qui ne laisse pas une grande part de manœuvre pour être une femme tout simplement, avec ses différentes facettes. En vérité, j’avais soif de revanche et de vengeance. J’étais satisfaite de tromper mon mari, il le méritait. C’est dans cet état d’esprit que je prenais le train à destination de Genève où j’avais rendez-vous avec un inconnu. Mon ambition aujourd’hui était de passer du côté des «putes » et des « maîtresses », celles qui plaisent tant aux hommes et qui les font bander. Ça m’excitait terriblement bien que j’avais du mal à me l’avouer. Robin et Kelly s’entendaient même si elles se disputaient. Ce n’était pas évident de laisser Kelly prendre autant de place dans mon existence. Sans Kelly, sans la séduction et le sexe, ma vie était fade et incolore. Je m’étiolais et me sentais vieillir de plus en plus, jour après jour. Ces expériences étaient jouissives même si je ne parvenais pas encore à l’orgasme. J’en avais plus qu’assez d’être une bobonne et une sorte de meuble qu’on n’époussette même plus. Le meuble changeait de place. Mon époux ne s’en apercevait pas. Je pensais que c’était une bonne chose que je n’ai pas d’enfants. Ma liberté d’agir aurait été restreinte. Je serais devenue « la mère ». Vivre la « pute » aurait été sans doute plus compliqué.

J’arrivais en avance à la gare de Lyon. Le train était à quai. Je m’installais en casant mon beauty case et ma valise à roulette à portée de main. Mon collier de perle et mes bottines étaient du voyage. J’avais mis ma nouvelle robe grège à pois rouge, légèrement décolletée. Elle ressemblait à celle d’Emmanuelle, souple, près du corps et fluide. Mes dessous étaient ravissants dans un coloris de beige assorti à la robe et avec de la dentelle. Je sentais bon le parfum Chanel N°5. J’avais enfilé un imperméable beige clair très classe. Le genre de vêtement sexy où il était possible de ne rien porter en dessous comme les vamps dans les vieux films américains. C’était un de mes fantasmes. J’avais vécu cette sensation quand j’étais jeune en promenant mon chien un soir. J’étais sortie nue sous mon imperméable. La sensation avait été troublante et voluptueuse surtout quand je croisais des gens qui ne se doutaient de rien. Aujourd’hui, il bruinait, il faisait chaud et cela me ramenait à d’agréables souvenirs érotiques oubliés.  La chaleur était en avance cette année. Le ciel était chargé de nuages, et je me sentais bien. L’ambiance était propice à l’érotisme.

POUR LE MEILLEUR ET POUR LE PIRE

Des personnes montaient dans le train et s’affairaient pour ranger leurs sacs et leurs bagages. J’étais gâtée, j’avais eu des billets de première classe. Les gens autour de moi étaient élégants, les hommes comme les femmes. C’était très agréable de savoir que quelqu’un payait pour m’avoir auprès de lui. Cela me fit sourire de contentement et en même temps, je me sentais anxieuse. A quoi ressemblait l’homme avec qui j’allais passer le week-end ? Il devait tenir un livre à la main pour que je le reconnaisse. C’était une œuvre du Marquis De Sade. Il y avait de quoi m’inquiéter mais j’avais confiance en Noémie. Elle m’avait encore rassurée au téléphone. Je l’avais appelée de la gare de Lyon en proie à des angoisses. Le train démarrait, l’aventure Genève commençait.